Trigger warning : suicide.
La tachycardie. Ça fait sourd dans la poitrine. J’ai l’habitude que ça redescende dans le ventre mais là non. C’est dans la poitrine. Je veux dire… Tu prends le centre du thorax, je crois qu’on dit le plexus. Juste par-delà les os, il y a le cœur. C’est là que ça se passe.
Je dis c’est là, mais en fait ça déborde. Il y a de grosses artères, de grosses veines, qui envoient ça un peu plus loin. Ça rayonne, on pourrait dire. Ça va pas si loin, ça reste concentré autour du plexus. Ça fait comme des étoiles filantes qui partent depuis mon cœur et vont vers ma tête, vers mes bras.
Je ne crois pas que ce soit bon pour mon corps. Je crois que c’est douloureux. Je ne sais pas depuis quand mon corps fait ça. Je me demande s’il le fait depuis longtemps. Je sais que maintenant, je le sens, mais je ne sais pas s’il le faisait avant. Je me dis, le pauvre, peut-être que toutes ces années, il le faisait, et qu’il avait affaire à une tête de pioche qui n’entend rien.
De quoi péter des étoiles filantes… Tu m’étonnes.
*
Je ne peux pas dire que j’aime mon corps. Pour beaucoup de raisons, je peux dire que j’ai un rapport un peu compliqué avec lui. Mais je crois qu’il me comprend. Qu’il comprend que c’est compliqué pour moi. De vivre avec lui, je veux dire.
On ne peut pas dire que je suis conciliante. De fait, j’ai toujours rêvé de me tuer.
Vivre sous la menace de ça, je me dis, ça doit pas être facile pour lui. Imaginer comment je vais le trucider, le pendre, lui tailler les veines qu’il passe son temps à entretenir, à réparer… Réparer mes conneries, parce que j’ai trop bu, parce que j’ai trop fumé, parce que j’ai trop gueulé, trop tapé partout…
À l’intérieur de moi j’ai quelque chose qui pense que c’est abusé qu’il continue de prendre soin de moi alors que je suis si méchante avec lui. Peut-être que je devrais lui dire que je l’aime.
Peut-être que je devrais faire une fête du corps. Comme on fait une fête des pères. Je veux dire : un père ou une mère, c’est un peu fait pour qu’on les maltraite. C’est pour ça qu’une fois par an, c’est bien quand même de leur dire « bon écoute quand même merci pour ce que tu fais. T’es un peu nul·le mais on reconnaît quand même que tu essaies« .
Mon corps, je suis pas sûre de pouvoir faire mieux que de le maltraiter. Mais peut-être que si au moins une fois par an je lui disais merci de faire ce taff dingue de faire battre mon cœur toutes les secondes depuis 34 ans sans jamais t’arrêter, sans jamais demander de pause, peut-être que… Je sais pas, peut-être qu’il se sentirait un peu mieux.
Peut-être aussi que c’est lui qui me dit qu’il faut qu’on en finisse… Je ne sais pas trop. Je ne sais pas trop qui dit ça à l’intérieur de moi. Je pense qu’on est plusieurs, avec différentes motivations…. C’est pour ça que quand les gens parlent de suicide, c’est toujours beaucoup trop gnagnagnagna ! Le suicide c’est complexe. C’est des drames ouais, mais c’est aussi une façon d’aborder la mort. C’est profond, c’est stimulant. C’est tout à la fois.
J’aime beaucoup l’idée du suicide et si on me l’enlevait je ne crois pas que je pourrais vivre.
Je n’aime pas la vie sans la mort. C’est comme, je n’aime pas la nuit sans le jour.
Ça fait un peu philosophie à deux balles de dire ça.
Il faut bien pouvoir désirer un ailleurs pour supporter le présent, non ? Et où est l’ailleurs de la vie ?
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Il est 23:07 jusqu’à l’infini.
[tourner la page]
Ah non. Il est 23:08 jusqu’à l’infini.
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L’âge adulte m’a seulement apporté le privilège de prétendre que j’ai raison. Pas tellement la raison d’avoir raison.
Quand les vieux disent qu’ils ont encore vingt ans dans leur tête, ça veut surtout dire qu’il sont toujours aussi cons qu’à vingt ans. Ça veut dire qu’iels n’ont aucune raison d’être plus crédible qu’avant, mais qu’en même temps iels veulent continuer d’avoir leurs privilèges d’adultes.
Mais à un certain âge, c’est terminé… On devient juste vieux ou vieille. On a juste le droit d’avoir des rides, mal au dos, et qu’on nous prenne pour une merde.
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La vie c’est pas kiffant.
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