Définition
Le terme de « personne gestapotente » est fabriqué à partir des mots latins « gestatio », dont est issu « gestation » et qui signifie « mission de porter les enfants », et du mot « potens » qui signifie « qui peut ».
Littéralement donc, la personne gestapotent.e est la personne qui peut porter un enfant. Or ce n’est pas parce qu’on peut qu’on est ou même qu’on veut.
Gestapotent·e est un néologisme que j’ai inventé pour m’épargner « personne possédant un utérus et pouvant abriter un embryon », qui est clairement trop long.
Il peut s’agir d’une personne qui :
- a une barbe
- a cinquante ans passés
- boit de l’alcool et se drogue
- t’emmerde
Il ne s’agit pas nécessairement de :
- la personne dont on présume qu’elle peut porter un enfant
- la personne qui est née avec un utérus
- la personne qui est née avec des ovaires
- la personne qui a des seins
- une personne qui peut être génitrice
Nous définissons comme gestapotent.e tout espace qui a le pouvoir de mener à bien l’acte de gestation. Par extension, nous pouvons envisager, dans un avenir plus ou moins désirable, qu’une machine ou une fabrication humaine (comme un four à pizza, par exemple) soit gestapotente.
La difficulté d’un nouveau vocabulaire réside d’abord dans sa définition, puis dans sa compréhension par un plus grand nombre.
Actuellement, le nombre de personnes utilisant le mot « gestapotent.e » s’élève à : 1
(–> c’est moi, coucou !)
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Dissection de la parentalité :
mère = parent + génitrice + gestatrice
père = parent + géniteur
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Commentaire : pourquoi créer ce mot ?
Pour en finir avec l’idée que femme = gestation
La gestation n’est pas une histoire de genre mais d’organes, or un homme peut avoir un utérus.
La possibilité de mener une gestation ne définit pas être femme.
Une personne avec un utérus n’est possiblement gestatrice que pendant 35 ans sur 100 ans de vie. Quid de toutes ces personnes avec une utérus qui ne peuvent pas encore ou plus mener de gestation ?
Marre d’être réduite à l’état de « devenir mère » ou « fut mère » alors que la gestation n’a jamais été un projet pour certain·es d’entre nous. C’est violent, c’est considérer que c’est central dans nos vies alors qu’il s’agit d’un projet fait sur nos propres corps ! Être réduite à l’état de « ne sert à rien » parce que je suis « en devenir » ou que je ne suis plus capable de mener une gestation est indécent ! Pourquoi ne jamais avoir eu d’utérus vous donne le droit d’être considéré·e à n’importe quel moment de votre vie ? Pourquoi avoir un utérus réduit fatalement notre cycle d’intérêt pour la communauté ?
Toutes les personnes nées avec un utérus ne sont pas gestapotent·e.
L’idée automatique que naître avec un vagin rend gestapotent·e crée en lui-même le statut de « handicap » chez une personne identifiée femme, qui dès sa naissance aura été formatée à désirer avoir des enfants.
Combien de copines, combien de meufs autour de moi, subissent la honte, le désespoir, la colère, de ne pas pouvoir mener de gestation, simplement parce qu’on leur a fait croire que ce serait automatique seulement parce qu’elles sont nées avec un utérus ? Pourtant, de tout temps, on a toujours su que la fertilité était instable ! Mais mieux vaut la préparer à avoir des enfants, c’est le principal, si elle pleure sa mère parce qu’elle ne peut finalement pas, on s’en fout… On va continuer longtemps à nous définir gestapotent·e alors qu’on ne l’est pas ? On va continuer longtemps à nous refuser une hystérectomie pour soulager des règles qui ne promettent rien ? On va continuer longtemps à cacher les scandales sanitaires qui rendent les personnes avec utérus volées de leur gestapuissance ?!
L’absence de consentement EST une RÉELLE IMPOSSIBILITÉ.
Toutes les femmes n’ont pas fait le choix d’utiliser ce pouvoir qui leur appartient. Pour en finir avec le forcing à être gestateurice juste parce que j’ai un utérus fonctionnel.
Il est tout à fait coutumier de considérer qu’une personne gestapotente « va changer d’avis », « doit bien ça à la société », etc. Aujourd’hui encore, le consentement d’une personne gestapotente à utiliser son pouvoir de gestation est tout à fait facultatif… Persuasion, chantage affectif, inaccessibilité à l’avortement et aux méthodes de contraception, les usages sont tout à fait banals. On parle du corps d’une personne, et possiblement de sa vie entière puisque la plupart des personnes gestapotentes sont celles qui les élèvent ensuite… Forcer une personne à la gestation est un VIOL, qui marque les personnes durablement, dans la chair et définit leur vie. Que ce soit la société, un·e compagn·one, la famille ou la belle-famille, user de ces leviers est être complice d’un VIOL et fait de vous un·e criminel·le.
La stérilisation doit être accessible à toute femme ayant un utérus et souhaitant se débarrasser de ce pouvoir. Trop de personnes gestapotentes sont humiliées par le personnel médical, qui leur refuse le recours à la médecine pour ce choix. C’est une honte !
Les hommes peuvent être gestapotent.es !
Considérer comme exceptionnel le fait qu’une personne à pénis ou avec une barbe se retrouve enceinte ne peut et ne doit plus exister. Invisibiliser les parentalité queer est grave : pour la santé mentale et physique des personnes concernées (parents, enfants et ami.es), et pour la santé du foyer qu’iels constituent. Même si cette réalité vous dérange ou ne vous plaît pas (je ne pense pas que vous soyez encore en train de me lire, vous…), il est important de soutenir les personnes impliquées dans ces démarches. C’est en pensant à elleux que ce mot est né : un homme trans n’est pas une gestatrice, c’est un gestateur. Et son pouvoir est décorellé de son genre : être de genre féminin n’inclut pas être gestapotent·e, et être de genre masculin n’exclut pas de pouvoir faire grandir un embryon. Soyons plus ouvert d’esprit, bordel !
Pour enfin reconnaître une catégorie d’oppression historique
L’État, les hommes et les familles s’approprient les corps personnes gestapotentes pour la reproduction de leur système. Être gestatpotent·e, c’est être le sujet d’une exploitation historique. « C’est le rôle d’une femme ». Ça veut dire qu’on est né·es pour être des vaches à lait, n’est-ce pas ? La société organise la démographie, ce n’est pas un secret. Et par là, elle manipule idéologiquement et matériellement les personnes gestapotentes. Des politiques d’infanticides aux stérilisations forcées1 ou aux programmes de propagande pour encourager la procréation, les populations sont stratégiquement sélectionnées par les grands systèmes politiques de toute époque. Le droit à l’avortement n’est pas un droit qui dépend de la liberté des « femmes » mais un droit qui dépend de questions économiques et démographiques, et de ce fait, traitées par et pour la politique, certainement pas par et pour les personnes qui porteront le poids de ces décisions. Que les stratégies démographiques changent et ce droit disparaîtra.
Le féminisme a trop longtemps souhaité de débarrasser de la condition d’être mère parce que son statut est infect et c’est compréhensible. Mais combien de fois ai-je entendu des féministes qualifier les personnes gestatrices de « pondeuse » ? Quelle misogynie de bas étage ! Ce n’est pas en faisant l’autruche sur ce sujet qu’on combattra le patriarcat, mais c’est en prenant à bras le corps toutes les questions des personnes possédant un vagin, un utérus, ou un genre féminin ! La condition d’être ou de ne pas être gestapotent·e et de la façon de gérer ces pouvoir par le patriarcat est en réalité centrale dans l’exploitation des femmes.
Pour une lutte féministe plus profonde contre les racines du patriarcat
C’est ça qui est bizarre avec la gestapotence. C’est que c’est un pouvoir supplémentaire, si on le compare au corps des hommes, mais pourtant, dans notre société, on dirait qu’il rend plus faible… Pourquoi un pouvoir supplémentaire amoindrit la puissance globale d’une personne ?
Les personnes gestapotentes sont soumises à un contrôle permanent, une emprise psychique et physique, pour parfaite le projet de l’État : reproduire sa matière première, l’humain·e. En découlent des violences médicales (violences obstétricales, entre autres) toujours prioritaires au bien-être de la personne concernée, et l’intrusion de l’État dans la vie sexuelle et affective de la personne. Le patriarcat s’est organisé pour que les personnes gestapotentes mettent leur pouvoir à disposition des hommes, qui sont seuls reconnus historiquement capables de transmettre un patrimoine dans notre société. Nous appelons cela « l’appropriation des utérus par le patriarcat ». Le couple et la famille sont des formations sociales en réalité tout à fait culturelles et non innées à l’espèce humaine2, destinées à limiter les droits de la personne gestapotente sur son propre pouvoir et ainsi, sur la puissance de son propre corps. Une propagande solide est historique concernant la famille contraint idéologiquement, psychologiquement, socialement et physiquement les personnes gestapotentes à utiliser leur pouvoir aux fins du patriarcat, sans aucune liberté de penser ou envisager les choses autrement.
L’exploitation sexuelle des femmes est une continuité de l’exploitation de leur gestapotence (potentielle). S’il est, dans l’idéologie patriarcale, moral de conserver l’exclusivité de la procréation d’une personne gestapotente, il est par conséquent moral d’avoir intégralement l’exclusivité de sa sexualité, afin de contrôler le patrimoine génétique que l’on transmet… Sans que l’homme cis n’ait lui-meme ce devoir d’exclusivité dans les couples (officiellement oui, officieusement l’adultère des hommes cis est toléré, pour ne pas dire encouragé), puisqu’il est par la nature, incapable de gestation.
Pour libérer le sentiment de puissance des personnes gestapotentes
Il découle de l’exploitation des personnes gestapotentes, qu’elles ont souvent perdu le sentiment de puissance que devrait créer le fait d’avoir un pouvoir que peu de personnes dans la société ont.
C’est pas génial d’avoir un organe qui permet de reproduire les humain·es à l’envi ? En prendre un qu’on aime bien, ou un qu’on aime pas, puis voir ce que ça donne si on le fait grandir dans notre machine-à-faire-grandir-des-humain·es ? C’est pas pour rien que le patriarcat veut s’en emparer !
Et c’est sans compter tout ce que la médecine permet si elle acceptait de bien vouloir la mettre à disposition des personnes le nécessitant ! De la fécondation in vitro à la PMA, la médecine rend ce pouvoir toujours plus créatif et incroyable, autant au niveau physiologique qu’au niveau de l’organisation des cellules sociales permettant de faire grandir l’humain·e ainsi conçu·e ! La parentalité se meurt, la principale cause de décès chez les mères est le suicide3 ! Vive la création de nouvelles formes de foyer, vive la créativité !
Si reproduire les humain·es, être un possible terreau de culture, ne nous engageait pas à :
- Nécessairement utiliser ce pouvoir,
- Être lié·e à des hommes cis à vie, indépendamment de notre volonté de les quitter, et par conséquent être sujet·es à leur violence morale et physique,
- Être soumis·es aux projets de l’État sur le produit de notre gestation4, et
- Être nécessairement obligé·e d’élever les enfants issu·es de ces gestations… Que nous soyons au bout de notre vie ou pas, ou que ce soit même un truc qui nous donne envie dans l’absolu…
… Il est très probable que ce pouvoir pourrait être utilisé OU refusé avec joie, créativité, et un profond sentiment d’accomplissement individuel.
Pour créer une nouvelle culture de la procréation, anticapitaliste et humaine
Les mots sont puissant. La révolution ne tient qu’à un mot. Il faut changer le regard qu’on a sur la procréation rapidement.
Si notre monde change, la langue pour parler de notre monde change.
Créer des mots d’objets, c’est presque créer des objets. Les nommer pour les attraper avec la langue.
Créer des mots d’objets abstraits, c’est littéralement créer ces objets.
C’est rendre tangible quelque chose que seule la pensée faisait exister.
Une impression
qui s’encre.
- Voir Le ventre des femmes de Françoise Vergès, l’ignoble organisation de la stérilisation forcée de femmes racisées à la Réunion. ↩︎
- Explorez par exemple la société des Na de Chine à travers le livre suivant : « Une société sans père ni mari. Les Na de Chine« , de Cai Hua ↩︎
- 7ème rapport de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) 2016-2018 ↩︎
- Je parle des enfants, oui. Comme il s’agit de personnes d’une catégorie puissamment opprimée, il me semble important de préciser que le terme « produit » ne cherche pas à leur retirer leur humanité mais bien à souligner le fait que je parle depuis un autre endroit. ↩︎
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