Assane vénère, réconciliation avec Jey

21/10/24

Meth^{34 ans} s’est vénère toute la journée sur Assane^{9 ans}. J’ai juste essayé d’être cool avec elle ce soir. Elle a amené son encyclopédie préférée dans la chambre et ça l’a un peu décoincée, on a discuté et rigolé ensemble. Elle a passé la journée à râler parce qu’elle n’a pas pu acheter un jeu important pour elle. Comme d’hab, elle se projette et paf, grosse frustration… Dur.

Je n’ai fait aucun des apprentissages avec elle aujourd’hui. Elle s’est levée à 11h10. Ça ne m’inquiète pas en ce moment. Il y a quelques semaines je^{34 ans} les réveillais (Jey^{13 ans} et Assane^{9 ans}) à 9h. Et Assane^{9 ans} ne dormait pas suffisamment. Elle n’arrive pas à s’endormir le soir. Je sais qu’elle ne va pas bien, et je pense que c’est parce qu’elle n’a pas d’ami·es. En fait j’en suis sûre… Je^{34 ans} vois pas comment on peut se sentir bien quand on n’a pas un·e seul·e ami·e…

Mais je n’arrive pas du tout à faire en sorte qu’elle veuille bien… sortir pour découvrir des gens ou des choses. Je^{34 ans} crois qu’elle a atteint un niveau de déprime trop important pour avoir ne serait-ce que l’envie d’avoir de l’espoir…

Je n’ai plus le courage d’engueuler Meth^{34 ans, homme cis}. Je^{34 ans, femme} me suis même demandé si j’étais bien légitime… Ces derniers jours ont été… Vraiment cool avec Assane^{9 ans} et Jey^{13 ans}. J’ai passé une matinée, vendredi dernier, à écouter J^{13 ans}. Je me suis cantonnée à reformuler ce qu’elle disait. Ça m’a permis (ô surprise, franchement…) de calmer beaucoup de mes colères de ces derniers temps… Elle m’a dit qu’elle ne comprenait pas pourquoi on n’était pas resté·es en France alors que les autres nonsco y sont resté·es, elle était vénère contre nous pour ça, disait que c’était pour nous en fait qu’on était parti·es. Dimanche, j’ai pu rebondir sur un des trucs qu’elle m’avait dit. Elle s’était définie comme une personne déprimée. Ça m’a permis de lui expliquer pourquoi je suis obsédée par l’idée qu’elle doit sortir rencontrer des gens. Pour résumer, elle m’a dit qu’elle n’a plus aucun espoir. Je me suis rendu compte qu’en l’entendant, j’accédais enfin à mon propre deuil de ça, que j’accepte enfin qu’elle ne mettra pas d’énergie à se faire un cercle social, et ça m’a remise à ma place de mère. Je me suis rendu compte que c’est l’endroit où j’ai envie de l’aider : lui redonner espoir qu’elle peut se faire un cercle social. Ça va être galère, mais jusque là, justement, à chaque fois que je me confrontais à une difficulté pour cet objectif, je finissais par lui reprocher qu’elle ne fout rien, qu’elle ne fait aucun effort… Là j’ai compris que ce n’est pas une flemme… Et qu’elle a réellement besoin d’aide et que je peux faire ça… Surtout que maintenant, elle est très autonome… En fait elle gère sa vie seule… Je suis un peu en crise de « mais je sers plus à rien, c’est quoi notre lien ?! ». Alors ça me fait plaisir de trouver une nouvelle place… Se réinventer !

Ce matin aussi, c’était intéressant avec Jey^{13 ans}. En ce moment on fait des dictées. C’est la seule chose qu’on fait en apprentissages (enfin je veux dire, hors docus, sorties, etc.). En tant qu’apprentissages formels, en fait… Et je remarquais qu’elle n’avait aucune motivation à s’améliorer réellement. Elle faisait juste le taff parce que je lui demande… Zéro motivation intrinsèque, en somme. A la fois j’acceptais ça… Je ne crois pas qu’elle puisse avoir une réelle motivation intrinsèque pour ça. Je lui ai dit que très sincèrement je ne voyais tout simplement pas comment elle pourrait faire les études qu’elle veut faire si elle n’apprend pas à écrire maintenant. Que le jour où elle se lance pour des diplômes et tout je suis sûre qu’elle s’y mettra à fond, mais qu’il y a des choses qui prennent des années, et franchement c’est quand même une bonne épine sortie du pied si on les sait déjà… J’étais pas moralisatrice. Dans l’absolu je m’en fous qu’elle sache écrire correctement. Mais cet argument était sincère. Je me projetais dans sa fin d’adolescence. Je sais que mine de rien elle veut accomplir des choses et avoir de la liberté. Et je sais qu’elle aura beaucoup de taff dans tous les cas. Si ça peut être déjà fait…

Ça lui a parlé, même si ça la saoule. Et ça me saoule autant qu’elle que les gens soient jugés sur des critères aussi bêtes que « sais-tu écrire une langue que même les plus érudit·es sont incapables d’écrire correctement parce que les règles de grammaires sont imbitables ? ». Juste, je constate que je ne pourrai pas les protéger du fait que notre société classiste force les gens à intégrer des savoirs afin de les hiérarchiser, et que se retrouver chez les opprimé·es franchement c’est pas rigolo. D’ailleurs elle ça la fait pas marrer d’être pauvre… Donc elle sait très bien de quoi je parle quand je dis ça… Mais j’en ai marre, moi de tenir cette motivation extrinsèque, cette motivation qui vient de la carotte qu’un jour elles auront une vie de merde si elles n’acceptent pas d’apprendre quelques trucs. La mission que je me donne, c’est faire en sorte que ces apprentissages qui n’ont pas de source intrinsèque prennent le moins de temps possible, soient efficaces. Contrairement à l’école qui sert à rien… (les gars franchement, 8h par jour pour que dalle…).