Définition
Néologisme récolté en stage.
« Psychofouinage » est un terme péjoratif pour désigner le fait d’aller « là où ça n’appelle pas ». Il désigne la pratique maniaque de l’exploration intérieure, lorsqu’elle n’est pas guidée par le besoin de soulager un fonctionnement qui nous dérange ou lorsqu’elle continue alors qu’elle n’a pas porté de fruits.
Au lieu d’écouter ce qui est présent, la personne va créer des liens non signifiants entre des éléments psychiques. Ces liens ont beaucoup d’inconvénients :
- Ils alourdissent la compréhension de soi en freinant l’avancée thérapeutique par des détours inutiles,
- Ils créent des croyances parfois toxiques,
- Ils font perdre du temps dans le parcours de soin (ce qui peut s’avérer grave dans le cas de problèmes de santé physique)
Si la pratique est addictive, c’est parce qu’elle crée une satisfaction certaine : il y a toujours une possibilité de créer du sens à partir de rien, surtout dans le domaine de la psychologie. C’est à peu près la même chose que de faire un craquage shopping :
- Vous vous sentez mal,
- Vous entrez dans un magasin,
- Vous trouvez forcément un truc,
- Ça fait du bien sur le moment,
- Et vous êtes bien avancé·e…
En plus d’être stimulée par le sens qui est donné à son mal, la personne va également passer de désespérée à pleine d’espoir, ce qui constitue une autre source de soulagement pour une personne en détresse, surtout si elle est particulièrement désespérée.
Le psychofouinage peut être l’œuvre d’un·e thérapeute / psychanalyste directif·ve (voir le concept de non-directivité de Carl Rogers) ou d’une personne pour elle-même.
Le grand débat
Qu’est-ce qu’un grand débat ?
Le grand débat est un type d’article qui visibilise que la réflexion sur le sujet a mobilisé plusieurs polarités de moi différentes. Il n’y a bien que moi qui m’exprime mais je sens que plusieurs opinions sont présentes chez moi et qu’elles construisent ensemble ma pensée. Il y a parfois une situation initiale (sans couleur), fil de départ du débat, puis des couleurs pour chacune des polarités. Comme je les sens comme deux Êtres différents en moi, vous pouvez imaginer que ce sont deux personnes différentes qui parlent, et vous pouvez donc lire le texte comme une pièce de théâtre. Il peut y avoir une situation finale, où une voix – qui est un consensus des polarités – s’exprime. C’est signe que le conflit intérieur a trouvé une « synthèse » (résolution ou co-habitation paisible).
Lors de l’avant-dernier stage de Process Work, l’organisatrice (que je salue si elle lit ces lignes et se reconnaît) énonce lors de la première matinée quelque chose comme « le Process Work cherche à amener de la conscience sur ce que vit le groupe ». Je suis restée pantoise parce que de tous les stages que j’ai faits sur le Process Work, très peu de mots ont été posés pour définir le Process Work ou ses objectifs, et je n’avais jamais entendu ceux-là. Ils m’apparaissaient à la fois d’une très grande évidence et me grattouillaient quelque part.
Celle pour qui c’est évident :
L’entendre met juste des mots sur quelque chose qui paraît évident ! C’est la tâche principale à laquelle s’attache la facilitation… En se mettant en méta-position, elle énonce des éléments que le groupe lui-même, pris dans sa traversée intense, ne voit pas, et qui permettent au groupe d’accéder à une conscience plus élargie de ce qu’il est en train de faire, des schémas qu’il est en train de reproduire alors qu’il n’aurait peut-être pas envie, etc. De la même manière, en psycho-thérapie, lea praticien·ne se place en méta-position de la patient·e en énonçant des évidences qui sont aveugles à la patient·e, pris·e dans le tourbillon de ses pensées.
J’ai moi-même découvert le super-pouvoir de signaler aux gens leur incongruence (pour faire vite : décalage entre ce que la personne pense faire et ce qu’elle dégage, donc entre son conscient et son inconscient). Lorsqu’on leur fait remarquer qu’il y a une incohérence entre ce qu’iels disent / prétendent faire, et montrent ou font vraiment, il y a une petite pause qui en dit long, aurore d’une conversation passionnante dans laquelle on va explorer la raison de ce décalage. J’adore ce moment-là, où je suis en plein non-savoir, pleine d’hypothèses qui cherchent à être validées ou réorientées, et qui me mènent à une rencontre profonde de l’autre.
Celle pour qui ça gratouille quelque part :
Mais il y a quelque chose qui me crispe dans le fait qu’il soit évident que porter l’inconscient au conscient soit une bonne chose en toute situation. Mon expérience de la thérapie et de l’étude des relations m’a progressivement dégoûtée du dogme de la « mise en conscience ». Un jour, je me suis réveillée et je me suis rendue compte que mes angoisses, par exemple, étaient devenues envahissantes, mais en grande partie parce que ma conscience leur donnait beaucoup de place, beaucoup plus que nécessaire… J’ai d’un coup réalisé que si la sensation de ces angoisses n’était pas arrivée à ma conscience, j’aurais inconsciemment pris des chemins de résolution de ces angoisses sans avoir besoin de décortiquer à la fois ce qu’elles me disaient, mais aussi tout le bazar que la conscience des angoisses pouvait générer…
Je m’esplik : la plupart des émotions et sensations semblent provoquer des actions réflexes. J’ai faim → je mange, j’ai envie de faire pipi → je me dirige vers les toilettes, je suis énervée → je gueule. Ces réactions peuvent être plus ou moins rapide, et leur rapidité est parfois nécessaire (j’ai peur → je cours). Or passer par la case « méta-position », donc mise en conscience et réflexion sur le choix à faire, c’est énergivore et chronophage. (Voir les travaux de Joseph Ledoux et Daniel Kahneman pour étudier davantage la question).
Pour faire une comparaison très gracieuse, imaginons que je suis un ordinateur. Ma conscience est mon écran d’accueil et mon inconscient c’est tous les processus qui se déroulent en arrière-plan pour que tout soit fonctionnel. La plupart de ces processus en arrière-plan sont incompréhensibles mais nécessaires. Je n’en ai ni conscience ni souvenir. Passer mon temps à mettre de la conscience sur mon inconscient, c’est afficher sur l’écran d’accueil tous les processus qui se déroulent en arrière-plan : je me retrouve avec un écran d’accueil saturé, incapable de trier les onglets prioritaires des secondaires, et je finis dans un état de confusion et d’épuisement.
Alors je ne dis pas qu’il ne faut pas aller voir ce qu’il se passe en arrière-plan de temps en temps ! Quand on veut modifier l’organisation de l’ordinateur, quand on a un bug récurrent, on va toucher à tout ça. Mais aller voir ça « parce que c’est toujours mieux d’être en conscience », je dis non.
En stage de maïeusthésie, Thierry Tournebise (que je salue s’il lit ces lignes) avait rapporté le terme qu’une participante avait utilisé : « psychofouinage ». ✨ (<– paillettes)
« Psychofouinage » est un terme tout-à-fait plaisant pour désigner l’obsession de vouloir « mettre en conscience » à peu près tout.
Il faut savoir respecter que certains de nos processus sont faits pour agir en arrière-plan, loin de la conscience, qui a à la fois bien assez de choses à gérer et une façon bien à elle de traiter les problèmes. Elle risque bien au contraire de faire le travail que fait habituellement l’inconscient, mais cette fois-ci avec ses outils à elle : rigueur, clarté, raison. Ce qui est, n’est-ce pas, une dérive autoritaire de la conscience dans votre propre système !
Celle pour qui c’est évident :
Cela dit, il me semble que c’est à modérer : je pense que la plupart des gens agissent de manière tout à fait automatique dans leur quotidien… Et mettre un peu de conscience sur les processus en arrière-plan ne semble pas du luxe…
Celle pour qui ça gratouille quelque part :
On peut peut-être dire qu’il s’agit de deux extrêmes où le psychofouinage est une sorte de polarité opposée au pur laisser-aller et à l’inconscience de soi.

Je ne crois pas que l’un ou l’autre soit meilleur. Mais comme j’évolue principalement dans des milieux très développement-personnel-friendly, l’envie de mettre en conscience ce que l’on fait est prédominante au point qu’elle devient un dogme, une formule magique qui règlerait tous nos maux : « Tous les jours je me lave les cheveux avec Conscience ». Moi je dis : des fois, il faut savoir lâcher-prise sur le psychofouinage et faire confiance au processus qui se déroule en nous.
Pour la conscience, tout ce qui est bizarre, laid, incompréhensible, est à traiter. Dans le monde de l’inconscient, ça ne fonctionne pas comme ça. Si la conscience fourre son nez partout, d’un on n’a pas fini, de deux c’est une sorte d’eugénisme de la pensée.
Il ne s’agit pas de dire que les choses sont simples. La réalité est complexe et je ne me place pas à l’endroit qui prétendrait que rien n’est psychologique. Je parle de la tendance à rester sur un seul plan, la tendance à oublier qu’on peut s’occuper de nos problèmes avec les DEUX outils : psychologie et physiologie, sociologie, etc. Mais certainement pas en s’enfermant dans une lecture ! Le psychofouinage est un bon indice qu’on se trompe d’outil pour résoudre un problème. Quand j’essaie de démonter un meuble avec tel embout de tournevis et que ça ne fonctionne pas, j’en prends un autre ! Mais en psychologie ou en développement personnel, il semble d’usage de dire « si ça ne marche pas, c’est que tu n’as pas assez essayé ». On érige alors la psychologie comme toute puissante et on perd parfois une énergie et un temps précieux, voire vitaux… Et parfois, aucun outil n’existe et il s’agit juste de laisser le processus en arrière-plan se faire.
Là où les deux polarités se rejoignent :
Selon qu’on est une personne qui tend plutôt à ne pas mettre de conscience sur ce que l’on fait ou qu’on a tendance à tout psychofouiner, il semble bon d’aller contre-balancer son fonctionnement en allant un peu plus questionner nos processus en arrière-plan ou leur laisser la paix. Cet article tendait à pousser un gueulante contre l’idée que prône le développement personnel, qui cherche toujours à donner des formules magiques à vos maux, selon laquelle il est TOUJOURS bon de mettre ce que l’on fait en conscience. Essayons plutôt d’avoir un usage raisonné de cet outil : des fois c’est bien, des fois c’est pas bien, et faisons le deuil ensemble d’une formule magique pour notre travail intérieur…
Allez, ciao.
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